PV Magazine : La start-up de la semaine « Melvan »

Bien que toute jeune, la start-up Melvan cumule déjà plus de 40 années d’expériences. Misant sur une forte implication des citoyens et des collectivités, elle compte aussi sur sa capacité à rester agile dans un secteur fortement réglementé pour se différencier des grands acteurs. Laurent Albuisson et Pierre-Yves Barbier, ses cofondateurs, ont répondu à nos questions.
MAI 25, 2020 CATHERINE ROLLET

« Melvan est un exploitant (IPP) de projets d’énergies renouvelables (éolien et solaire photovoltaïque). Notre modèle consiste à identifier des sites susceptibles d’accueillir des projets, de les sécuriser, d’obtenir l’ensemble des autorisations administratives afin de les financer, les construire et de les exploiter. La valorisation de l’énergie produite par nos moyens de production s’effectuera au travers de contrats de vente d’énergie en BtoB (c-PPA) ou au travers de mécanisme d’obligation d’achat ou de complément de rémunération. Nous développons des projets éoliens et solaires photovoltaïques (toiture, ombrières et sol) avec ou sans dispositif de stockage de l’énergie. 

À ce titre, Melvan est lauréate du dernier Appel d’Ofires en Outre-mer pour 12,3 MWc de projets au sol, dont
10 MWc avec stockage en Guadeloupe. En soi, le modèle économique de Melvan n’est pas innovant. Ce qui l’est en revanche, c’est notre ADN, notre
approche des territoires et nos spécificités de start-up. Notre ADN : des pionniers ! Sans prétention aucune, nous nous considérons comme des « historiques » des énergies renouvelables en France. Nous avons débuté à la n des années 90 pour Laurent et au tout début des années 2000 pour Pierre-Yves. Nos prolfis d’ingénieurs (respectivement « Arts et Métiers » et « INSA ») auraient pu nous prédestiner à intégrer des grands groupes de l’énergie. Au contraire, nous avons fait le choix de nous orienter vers les énergies renouvelables, secteur à tout le moins « exotique » à cette époque. Nos chemins se sont croisés au sein de l’industriel Vergnet à Orléans pour lequel nous développions des projets éoliens bipales de quelques centaines de kilowatt ou quelques mégawatts en outre-mer : une vraie école de la vie !

Nous avons vu se développer l’éolien en France avec la mise en place des premiers tarifs en obligation d’achat, puis le solaire en 2006. Nous avons donc été, depuis plus de 20 ans et à notre niveau, des acteurs et des contributeurs au déploiement des énergies renouvelables en France. 

Au final, Melvan bénécie de plus de 40 années d’expériences cumulées dans l’ensemble des composantes de la mise en œuvre concrète de près de 500 MW de projets d’énergies renouvelables (identification de projets, développement, financement, construction, exploitation, acquisition & cession). La supervision de la mise en œuvre cumulée de ces plus de 100 projets solaires et éoliens en service représente :

  • 153 MW en Outre-mer (dont 33 MW avec stockage d’énergie) et
  • 332 MW en France métropolitaine.

Clairement, nous sommes passionnés par ce secteur d’activité, ayant eu la chance de « tomber dedans lorsque nous étions petits ». Nous estimons que parfois, cette expérience et cet engagement fait défaut dans certaines grandes entreprises, pour lesquelles le secteur des énergies renouvelables est devenu un secteur comme un autre, ou un « relais de croissance »…

Au-delà de ne pas oublier que nos projets permettent de produire de l’énergie propre, décentralisée, durable, compétitive et respectueuse de l’environnement, nous en faisons un véritable leit-motiv et vrai l conducteur de notre engagement.

Notre approche : le co-développement

Nous sommes convaincus que le développement des énergies renouvelables doit impérativement passer par une implication des populations et des collectivités locales. Ces phrases sont parfois répétées à l’envi par certains développeurs de projets qui in fine, ne mettent en œuvre que des mesurettes « participatives »
cosmétiques. Le vent et le soleil sont des ressources patrimoniales locales et les exploiter revient à les emprunter aux territoires. Il est donc légitime que les citoyens et les collectivités puissent s’investir tant dans leur développement que dans le financement et l’exploitation des projets.

Le co-développement ainsi que les projets participatifs et citoyens (au sens partage du capital et de la gouvernance des sociétés d’exploitation) sont la clef d’un développement raisonné et soutenable des ENR en France.

Nous n’atteindrons pas les objectifs ambitieux de la PPE en appliquant les vieilles recettes de développement, mais au contraire en fédérant les énergies, les initiatives et les bonnes volontés locales. On s’aperçoit d’ailleurs que les entreprises les plus résilientes dans ce marché en pleine consolidation sont justement celles qui ont depuis longtemps orienté leur stratégie de développement vers le partage (du capital, de la gouvernance, des retombées nancières…). Nous souhaitons marcher dans les pas de ces précurseurs et nous inscrire dans cette dynamique. À titre d’illustration, nos projets Guadeloupéens ont été co-développés et sont co-détenus à 50% par le propriétaire des terrains.

Nos spécicités de start’up : notre agilité

La concentration du secteur oblige les acteurs industriels à adresser des projets de taille minimale de plus
en plus importante.
Notre qualité de start-up, dont les coûts xes sont par essence naturellement faibles, nous permet de répondre à tous types de projets, dès 100 kWc pour le solaire ou comprenant des éoliennes au nombre réduit et au gabarit limité. Par ailleurs, les circuits décisionnels sont courts ce qui permet d’être réactif et en phase avec les attentes des parties prenantes. Nos expériences passées prouvent qu’il est possible d’avoir de l’ambition, d’embaucher, de structurer une entreprise, sans perdre cette agilité et cette souplesse. C’est une question de choix et d’indépendance.

Quand et comment est née votre start-up ?

Pour qu’un marché mature reste équilibré, il est nécessaire qu’il soit constitué d’une pluralité d’acteurs. L’idée de la création de Melvan est née du constat que la concentration du secteur, qui s’est largement accélérée ces derniers mois, a engendré un marché dominé par les grands acteurs historiques de l’énergie en France, au détriment des petites et moyennes entreprises. L’un et l’autre ne s’opposent pas, ils se complètent.

Il est donc nécessaire, pour que le marché reste sain, que de nouveaux acteurs se créent afin qu’une offre diversifliée puisse se maintenir. C’est le sens de la création de Melvan. Et de notre positionnement : proposer une alternative aux ores standardisées.

Quel est votre modèle économique ?

Melvan ambitionne d’exploiter et de co-exploiter un portefeuille d’actifs éoliens et solaires bénéciant de contrat de vente d’énergie long terme.

De plus, Melvan met en avant ses compétences pluridisciplinaires et sa connaissance du secteur pour des missions d’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage dans le cadre de projets complexes ou innovants (densication de parcs éoliens, repowering, couplage production/stockage, autoconsommation solaire, projets participatifs…).

Par essence assez « gourmande » en fonds propres, notre activité nécessitera que nous renforcions notre haut de bilan. Nous prévoyons une première levée de fonds d’ici 12 à 18 mois en fonction du rythme de notre croissance. Nous poursuivons l’objectif intangible de conserver la maîtrise de notre destinée.

Quels sont, selon vous, les facteurs les plus importants pour la réussite de votre entreprise ?

Nous l’avons mentionné, la clé de notre réussite réside dans notre capacité à rester agiles dans un secteur qui est fortement réglementé, c’est ce qui nous diérenciera des grands acteurs. Nous y pensons chaque jour : comment faire pour que les équipes qui vont nous rejoindre puissent avoir un environnement de travail qui leur permettent de rester créatifs dans leur relation avec les parties prenantes de nos projets ? Comment faire pour que l’information circule avec uidité et qu’une solution apportée sur un projet puisse être adaptée à une autre situation ?

Attendez-vous de nouvelles mesures politiques ? 

Chez Melvan, nous estimons qu’une gradation des contraintes administratives devrait être mise en place pour les ENR en général et pour le photovoltaïque. Il est par exemple surprenant qu’un projet de 3000 m² au sol sur un site dégradé soit soumis aux mêmes obligations qu’un projet de 30 ou 50 ha en zone naturelle (étude d’impact et enquête publique), générant des délais de développement souvent supérieurs à 18 mois.

 

Le gisement des projets au sol de petite taille (de quelques milliers de m² à quelques hectares) est très important en France, mais ces projets sourent d’une double peine :

  • Trop petits pour intéresser la plupart des grands acteurs ;
  • Trop contraignants administrativement pour intéresser les acteurs de taille intermédiaire ;

Afin de libérer le gisement des « petits » projets, nous pourrions par exemple supprimer l’obligation d’Enquête publique pour les projets inférieurs à 5 MWc. Nous constatons sur le terrain que ces enquêtes publiques n’intéressent que très peu les habitants.

Les délais de raccordement au réseau sont aussi très longs en France, comparativement à l’Allemagne. De la même façon, il faut simplier et accélérer les procédures de raccordement au réseau des projets inférieurs à 5MW.


Quelles ont été les diicultés majeures au cours de la création de votre société ?

Pour le moment nous touchons du bois et n’avons eu que peu de déconvenues, hormis de parvenir à convaincre des propriétaires fonciers que nous allons les accompagner sur le long terme alors que la société est récente.

Cela nous ferme pour le moment la porte des donneurs d’ordre publics qui sont contraints de solliciter des références dans leurs appels à projet. Mais là encore notre ambition est de nous adapter et d’intervenir en collaboration avec des acteurs plus anciens ou dont la surface nancière est plus importante.


Quelles sont vos convictions concernant le développement de votre secteur ?

Depuis 25 ans nous avons vu les énergies renouvelables gagner tous ses « procès d’intention », sur le plan technique accusées de « polluer » le réseau, sur le plan économique stigmatisées comme surconsommatrices d’argent public, sur le plan environnemental au titre ici de la modication des paysages ou là de l’utilisation supposée de terres rares, on constate qu’il s’agissait de combats d’arrière-garde, visant surtout ne rien changer ! Notre conviction est que les énergies renouvelables ont aujourd’hui un boulevard devant elles, de par leur pertinence économique, leur caractère décentralisé et territorial créant des emplois non délocalisables, leur résilience car elles ne consomment que très peu de ressources, etc… en réalité notre expérience du secteur nous rend très optimistes pour son avenir, penser qu’un jour 100% de notre électricité sera renouvelable n’est plus une utopie.


Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?


Notre premier jalon se situe à 500 MWc de projets co-développés et en construction d’ici 2025. Le marché du solaire en particulier n’a eu de cesse de nous surprendre par ses gains en compétitivité et son déploiement rapide, en particulier au niveau mondial, alors se xer des objectifs à plus long terme reviendrait à se créer un plafond de verre : il y a 10 ans le solaire coûtait dix fois plus cher qu’aujourd’hui, alors ne nous enfermons pas dans des ambitions limitées.
Soyons audacieux et innovants, et nous saurons fédérer autour de Melvan et de son projet d’entreprise les
talents d’aujourd’hui et de demain.fi